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Rouille et fragments 

 

Recherche de matière, ouverture à la couleur, tels pourraient être les dénominateurs communs du travail d’Habib Harem à l’aube de cette décennie.

Fidèle à la gravure, mais en continuelle recherche, l’artiste met aujourd’hui cette technique au service d’une idée – voire d’une préoccupation – centrale mais non pessimiste à ses yeux : l’écoulement du temps, la trace que ce temps dépose sur les choses … et les êtres.

 

Ainsi, Habib Harem se réapproprie la lente métamorphose que le temps impose au métal en transposant ces fragments rouillés sur papier.

Dans la foulée, ô combien décisive tant cette tonalité lui tenait à cœur, Habib Harem sort peu à peu du noir – sans toutefois l’oublier complètement – pour travailler les nuances de Terre aptes à rendre cet état de décrépitude de la tôle.

 

Et le résultat, même s’il maintient un rapport chromatique et formel directement déchiffrable avec ce qui l’a suscité, acquiert son identité et sa qualité plastique propre. Il suffit d’observer l’intensité, la douce harmonie des nuances que l’encre et la main de l’artiste ont imprimées sur le support, mais aussi de concentrer le regard sur les variations de textures et de relief qui apportent à l’abstraction de ces estampes une incroyable profondeur.

Rigueur et douceur, dureté et fragilité, raison et sensibilité se dégagent des œuvres et de la démarche artistique d’Habib Harem autant que de l’homme qu’il est.

Car son travail semble bien s’inscrire dans cette dualité ou plutôt cette complémentarité.

 

 Dans un premier temps, le graveur se fait « récupérateur », collectionneur de pans de métal rouillé qu’il choisit pour la vie, l’histoire qui les habitent tout autant que pour leurs valeurs plastique et esthétique. La volonté et la raison affrontent alors le caractère brut, rude, écorché, coupant de ce matériau afin de le graver et de lui donner le format et la planéité souhaités.

 

Dans un second temps viennent l’encrage et l’impression sur ce support si fragile, si noble et si doux qu’est le papier au regard de l’âpreté de la tôle rouillée. L’approche est alors tout en nuance, en finesse, guidée par la magie et la sensibilité de l’alchimiste.

Magie finale qui, associée à un sens aigu de la composition, de l’harmonie et du contraste des teintes, crée l’œuvre et nous entraîne…

 

Bérengère Bouchat (2002)

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